Faire une demande d’enquête contre un administrateur
Éthique et déontologique
Lors de la réforme du Code des professions de 2017, le législateur visait, de façon particulière, une importante amélioration de la gouvernance des ordres professionnels.
Au cœur de cette réforme de la gouvernance, qui s’inscrit dans la mouvance politique gouvernementale de transparence et d’imputabilité, on retrouve l’imposition de tout un encadrement concernant l’éthique et l’intégrité des « organes décideurs » d’un ordre professionnel.
Première étape : l’adoption de règlements cadre par l’Office des professions
C’est donc dans ce contexte que, dans un premier temps, le législateur a imposé à l’organisme régulateur, qu’est l’Office des professions, « l’obligation de déterminer, par règlement, les normes d’éthique et de déontologie applicables aux administrateurs du Conseil d’administration d’un ordre professionnel ». Afin d’atteindre la plus grande uniformité possible parmi les ordres professionnels, le législateur a même imposé un contenu minimal dans ce règlement de l’Office. Ce contenu minimal devait contenir les volets suivants :
Code des professions, art. 12.0.1 :
L’Office doit déterminer, par règlement et après consultation du Conseil interprofessionnel, les normes d’éthique et de déontologie applicables aux administrateurs du Conseil d’administration d’un ordre professionnel.
Ce règlement doit :
1° énoncer les valeurs et les principes fondés sur l’éthique et l’intégrité qui doivent guider les administrateurs dans l’appréciation des normes d’éthique et de déontologie qui leur sont applicables ;
2° déterminer les devoirs et les obligations des administrateurs, y compris ceux qu’ils sont tenus de respecter après l’expiration de leur mandat ainsi que la durée de ces devoirs et obligations ;
3° régir ou interdire des pratiques liées à la rémunération des administrateurs ;
4° obliger le Conseil d’administration à établir, dans le respect des normes que l’Office détermine, un code d’éthique et de déontologie applicable à ses membres qui tient compte de la mission de l’ordre professionnel, des valeurs qui sous-tendent son action et de ses principes généraux de gestion ;
5° établir la procédure d’examen et d’enquête concernant les comportements susceptibles de contrevenir aux normes déterminées par l’Office et à celles du code d’éthique et de déontologie, prévoir les sanctions appropriées et désigner les autorités chargées de les déterminer ou de les imposer ;
6° déterminer dans quels cas et suivant quelles modalités un administrateur peut être relevé provisoirement de ses fonctions.
Ce règlement peut, dans les conditions qu’il fixe, ajouter au mandat d’une instance d’un ordre ou de ses membres celui confié en vertu du paragraphe 5° du deuxième alinéa.
L’Office des professions s’est donc dûment acquitté de son obligation à cet égard par l’entrée en vigueur, le 13 septembre 2018, du Règlement sur les normes d’éthique et de déontologie des administrateurs du Conseil d’administration d’un ordre professionnel (ci-après appelé « le Règlement »).
Deuxième étape : formation d’un comité d’enquête à l’éthique et à la déontologie
Comme le prévoit l’article 32 du Règlement de l’Office, chaque ordre avait l’obligation de former un comité d’enquête à l’éthique et à la déontologie.
Le Conseil d’administration de l’Ordre des acupuncteurs du Québec a franchi cette étape par l’adoption, le 19 février de la résolution suivante :
B-108-21 Il a été résolu de mandater Me Christiane Brizard, du cabinet Langlois avocats, S.E.N.C.R.L., pour accompagner la mise sur pied du comité, la sélection des membres, la formation des membres et l’écriture du règlement intérieur du comité d’enquête à l’éthique et à la déontologie de l’Ordre des acupuncteurs du Québec.
Comme pour tous les ordres, le mandat du comité d’enquête à l’éthique et à la déontologie de l’Ordre des acupuncteurs du Québec va comme suit :
RÔLE
Le comité d’enquête à l’éthique et à la déontologie a pour mandat d’aider le Conseil d’administration à s’acquitter de ses obligations réglementaires relativement au respect des normes d’éthique et de déontologie qui sont applicables aux administrateurs, qu’ils soient élus par les membres ou nommés par l’Office des professions du Québec conformément au Code des professions.
RESPONSABILITÉS
Le comité se voit confier les responsabilités suivantes :
- Mettre en place un règlement intérieur concernant les plaintes déposées. Ce règlement doit être accessible au public sur le site de l’Ordre et doit être publié dans son rapport annuel ;
- Examiner et enquêter sur toute information reçue relativement à un manquement d’un administrateur aux normes d’éthique et de déontologie, faire les recommandations au Conseil et, le cas échéant, évaluer la sanction appropriée, conformément au Règlement sur les normes d’éthique et de déontologie des administrateurs du Conseil d’un ordre professionnel ;
- Rejeter, sur examen sommaire, toute dénonciation s’il est d’avis qu’elle est abusive, frivole ou manifestement mal fondée ;
- Recommander, au besoin, des mesures de prévention ou des mécanismes minimisant les risques que certaines situations se reproduisent.
Il intervient auprès du Conseil au besoin. Lorsque le comité en vient à la conclusion que l’administrateur visé par l’enquête a contrevenu aux normes d’éthique et de déontologie qui lui sont applicables, il transmet sans délai un rapport écrit au Conseil contenant un sommaire de l’enquête et une recommandation motivée de sanction ainsi que l’ensemble du dossier et des pièces.
DEMANDE D’ENQUÊTE
Dans ce contexte, toute personne qui a des motifs raisonnables de croire qu’un membre du Conseil d’administration a commis un manquement aux normes d’éthique et de déontologie qui lui sont applicables, peut en aviser le comité d’enquête à l’éthique et à la déontologie en remplissant ce formulaire PDF.
Troisième étape : l’adoption, par le comité d’enquête à l’éthique et à la déontologique, de son règlement intérieur qui précise la procédure applicable aux demandes qui lui sont soumises
Toujours en vertu des règles de base du Règlement de l’Office, il est nécessaire que le comité d’enquête à l’éthique et à la déontologie, formé par un Conseil d’administration, « se dote d’un règlement intérieur que l’ordre rend accessible au public, notamment sur son site Internet, et qu’il publie dans son rapport annuel ».
Cette étape a été franchie par le comité d’enquête le 16 avril 2021 par l’adoption de son règlement intérieur.
Quatrième étape : l’adoption, par chacun des ordres professionnels, d’un code d’éthique et de déontologie « personnalisé » complémentaire au Règlement de l’Office des professions
Comme il fallait s’y attendre, le Règlement de l’Office des professions contenait à son tour une obligation destinée cette fois à chacun des ordres professionnels soumis à sa surveillance :
29. Le Conseil d’administration doit établir, dans le respect des normes édictées par le présent règlement, un code d’éthique et de déontologie applicable à ses administrateurs.
Cette étape, qui incombait ainsi à l’Ordre des acupuncteurs, comme à tous les autres ordres du système professionnel d’ailleurs, a été franchie le 18 juin 2021 par l’adoption de la résolution suivante :
B-156-21 Il est résolu, à l’unanimité, d’adopter le Code d’éthique et de déontologie des administrateurs de l’Ordre des acupuncteurs du Québec, tel que modifié, et d’en informer l’Office des professions du Québec.
De plus, toujours afin d’uniformiser l’application des principes de base établis par tout cet ensemble de règles nouvelles, le Règlement de l’Office prévoit expressément que les administrateurs des ordres sont soumis aux principes et aux règles les plus exigeantes qui découlent du Règlement et du Code d’éthique qui leur sont applicables :
5. L’administrateur est tenu, dans l’exercice de ses fonctions, de respecter les principes d’éthique et les règles de déontologie prévus par le présent règlement et par le code d’éthique et de déontologie établi par le Conseil d’administration en vertu du chapitre IV. En cas de divergence, les principes et les règles les plus exigeants s’appliquent.
Cette mention vient d’ailleurs préciser le Code des professions qui prévoyait déjà que les administrateurs des ordres sont soumis à la fois à ces deux textes conjugués :
9.1. Les administrateurs du Conseil d’administration d’un ordre professionnel sont soumis aux normes d’éthique et de déontologie déterminées par l’Office en vertu de l’article 12.0.1 ainsi que celles du code d’éthique et de déontologie déterminées par le Conseil d’administration en application du paragraphe 4° du deuxième alinéa de cet article.
Chaque ordre professionnel doit rendre ce code accessible au public, notamment sur son site Internet, et le publier dans son rapport annuel.
Le rapport annuel de chaque ordre professionnel doit, en outre, faire état du nombre de cas traités et de leur suivi, des contraventions aux normes d’éthique et de déontologie constatées au cours de l’année ainsi que des décisions rendues et des sanctions imposées.
Autres faits saillants relatifs à l’éthique et à la déontologie des administrateurs
Tant en vertu du Code des professions que des divers règlements adoptés en conséquence de cette réforme, il est intéressant de noter au passage quelques-uns des nombreux éléments qui devraient retenir l’attention :
- toute personne peut dénoncer au comité d’enquête à l’éthique et à la déontologie une situation qui pourrait raisonnablement donner lieu de croire qu’il y a eu un manquement aux règles d’éthique et de déontologie contenues dans la loi et les règlements prévus à ce sujet ;
- le comité n’a aucune juridiction sur les décisions d’un conseil d’administration : en d’autres termes, seuls les manquements aux règles établies dans ces textes et qui seraient présumés attribuables à un administrateur clairement identifié peuvent faire l’objet d’une dénonciation auprès de ce comité d’enquête ;
- le respect des règles d’éthique et de déontologie a une importance telle, aux yeux du législateur, qu’il a rendu obligatoire, pour les administrateurs, de « dénoncer sans délai au comité tout manquement aux normes d’éthique et de déontologie applicables aux administrateurs, dont il a connaissance ou dont il soupçonne l’existence ».
- tant en vertu du Code des professions que de la réglementation qui en découle, c’est au président de l’Ordre qu’il incombe de veiller au respect, par les administrateurs, des normes d’éthique et de déontologie qui leur sont applicables.
- vu l’importance de ce processus, « le comité conduit son enquête de manière confidentielle, de façon diligente et dans le respect des principes de l’équité procédurale. Il doit notamment permettre à l’administrateur de présenter ses observations après l’avoir informé des manquements qui lui sont reprochés ».
Ce ne sont là que quelques-uns des nombreux éléments intéressants de ces règles importantes qui encadrent dorénavant la conduite éthique et déontologique qui doivent être associés à la délicate charge d’administrateur d’un ordre professionnel. Une lecture approfondie de ces règles est vivement conseillée.